En matière de traitement des acouphènes, il n’est pas rare que soit évoqué le concept d’habituation, une notion parfois floue dont il convient d’éclaircir les contours. Est-ce le cerveau qui s’habitue ? Et si oui, comment le phénomène opère-t-il ? Pourquoi certaines personnes semblent en bénéficier d’office ? Alors que d’autres patients acouphéniques paraissent aux abois… Existe-t-il certains facteurs capables d’entraver ce mécanisme ? Et si oui, comment contourner le problème ? Ce sujet vise à fournir une vision claire du concept d’habituation. En outre, il sera intéressant de voir par quels biais il est possible de diminuer le coefficient d’aversivité de l’acouphène, condition sine qua non pour renouer avec le bien-être.
🖊Ci-dessous, une courte introduction vidéo. Pour plus d’informations et de détails sur ce sujet Acouphènes-habituation, nous vous invitons à parcourir le dossier complet situé sous la vidéo.
L’habituation : un processus naturel du cerveau
Le processus d’habituation est un phénomène qui est constamment à l’oeuvre chez chacun de nous. Il s’agit donc d’une fonction naturelle que nous possédons tous. C’est grâce à ce processus d’habituation que nous sommes capables, sans même y penser, de neutraliser un stimulus sensoriel répétitif.
Prenons un exemple : imaginez qu’une pluie automnale s’abatte soudainement sur votre maison. Conscient du phénomène, vous détectez le bruit des gouttes sur le toit, en d’autres termes, vous « entendez » effectivement le stimulus sensoriel auditif qui parvient à votre cerveau via vos oreilles. Dans un second temps, imaginez que cette pluie se prolonge toute la journée. Il y a fort à parier que vous serez bien moins conscient du son des gouttes. Et plus le temps passera, moins vous y ferez attention. Ce phénomène de mise à l’écart continuera jusqu’à ce que vous n’entendiez plus la pluie, laquelle tombe pourtant sans discontinuer.
Il en va de même avec les symptômes acouphéniques. On observe en effet que 75% des personnes atteintes parviennent à gérer la problématique de manière naturelle, grâce au processus d’habituation. Il est à noter que celui-ci peut se dérouler sur plusieurs mois voire, sur une année complète.
Mais qu’en est-il pour les 25% d’acouphéniques chez qui le processus semble en panne ? Eh bien il apparaît que, chez ces personnes, certains mécanismes semblent faire barrage à l’habituation.
Quels sont les facteurs qui entravent le processus d’habituation ?
Nous avons vu que le processus naturel s’active lorsque le bruit en question est plutôt répétitif et prévisible. En outre, il faut que celui-ci soit perçu comme étant sans grand intérêt, sans gravité et non menaçant. C’est sur ce dernier point qu’il convient d’insister. En effet, c’est souvent parce qu’il créé un sentiment d’insécurité que l’acouphène parvient se hisser au premier plan de nos préoccupations. C’est cette connotation négative qui fourni aux symptômes acouphéniques toute leur force.
Cette réponse émotionnelle négative est une réaction du système nerveux. Or, le processus d’habituation intervient lorsqu’un stimulus sensoriel auditif, tel que l’acouphène, n’engendre plus de réaction de la part du système nerveux.
Le cercle vicieux
Le problème vient du fait qu’un cercle vicieux auto-alimenté peut rapidement et insidieusement se mettre en place. En effet nous pouvons constater que, chez certains patients, les sifflements et autres bourdonnements d’oreille ont la fâcheuse tendance à générer un flot d’émotions négatives. Ces dernières vont alors jouer un rôle d’amplificateur ce qui aura pour effet d’accentuer plus encore la gène due aux acouphènes. Ces derniers, alors perçus de manière plus intense, déclencheront à leur tour des réponses émotionnelles de plus en plus fortes ce qui aura pour effet d’alimenter la spirale infernale.
Nous comprenons bien ici l’urgence absolue qu’il y a à ramener à la normale l’activité des régions limbiques et auditives. Cette régulation émotionnelle aura pour effet de diminuer ce que l’on nomme la saillance acouphénique.
Qu’est ce que la saillance acouphénique ?
Le terme nous vient de l’Anglais « salience » et traduit l’ordre d’importance que le cerveau accorde à un stimulus. Un indice de saillance bas correspond à une faible réactivité des zone limbiques et auditives. Cela signifie que le stimulus en question n’entraîne que peu de réponse émotionnelle. C’est ce qu’il se passe lorsque la pluie tombe durant une journée entière et que, le soir venu, le bruit des gouttes sur le toit passe totalement inaperçu. Le stimulus sort littéralement de notre champ de conscience.
Notre cerveau, lorsqu’il juge un son constant ou répétitif comme étant non pertinent, opère comme un filtre naturel. L’habituation procède ce même phénomène.
En revanche, un indice de saillance élevé témoigne d’une intense activité au sein des aires limbiques et auditives. Cela indique que le stimulus entraîne une forte réponse émotionnelle.
C’est exactement ce qu’il se passe lorsqu’une personne est en proie à un acouphène chronique. A cause du stress et de la réactivité du système nerveux, le processus d’habituation est perturbé voire, totalement à l’arrêt.
Les acouphènes sous le prisme de la neuropsychologie
La neuropsychologie met en lumière le concept de signifiance. Sont considérés comme signifiants les sons nouvellement perçus, lesquels engendrent de la surprise, de l’inquiétude ou de la curiosité, ainsi que les sons liés à une expérience négative voire, traumatisante.
La réaction émotionnelle typique du système limbique face à ces sons signifiants consiste à préparer l’organisme à l’attaque ou bien à la fuite.
C’est là une des raison d’être de l’état de stress lequel maintient les sons de cette catégorie dans le champ de conscience, au centre de nos préoccupations et de notre attention.
A l’inverse, les sons neutres n’induisant aucune réponse émotionnelle seront considérés comme insignifiants par le cerveau.
De ce fait, il sont amenés à disparaître progressivement du champ de conscience. Ce processus correspond à l’habituation. Un acouphène à qui l’on ôte toute signification émotionnelle négative aura donc tendance, tout naturellement, à sortir du champ de l’attention. Il « s’effacera » progressivement.
Objectif : diminuer l’aversivité de l’acouphène
Le coefficient d’aversivité d’un acouphène traduit sa propension à générer des réactions émotionnelles négatives. Un indice d’aversivité élevé correspond à une forte présence d’anxiété, de stress et de détresse. Tout l’enjeu sera donc de neutraliser ses réactions toxiques afin de diminuer la saillance de l’acouphène et donc, in fine, réactiver le processus d’habituation.
Voici quelques pistes intéressantes qui permettent de mieux comprendre comment l’aversivité de l’acouphène peut être traitée.
✓ Par un travail sur le corps > il s’agira ici d’apprendre à percevoir son corps de façon positive, sans négativité.
✓ Par des exercices de lâcher prise > cela permet de déconnecter certaines réactions émotionnelles toxiques.
✓ Par une diminution du degré d’anxiété > ramener celui-ci à la normale permet de minimiser la focalisation excessive envers les acouphènes
✓ Par une réduction de l’état d’hyper-vigilance > en effet, une vigilance accrue entrave le processus d’habituation
✓ Par une stratégie de ré-association > il s’agit ici de créer des « passerelles émotionnelles » entre l’acouphène et des sensations positives, un état de bien être
✓ Par un travail de réorientation mentale > le but est de favoriser la production de pensées positives
Les pistes évoquées ci-dessus ne sont qu’un échantillon des voies et techniques dans lesquelles il st possible de piocher afin de réenclencher le processus d’habituation. Notons que certaines disciplines et solutions thérapeutiques se sont fait une spécialité de travailler sur l’obtention de ce type de résultats. Nous pouvons par exemple mentionner ici la Sophrologie, l’hypnose, la PNL, l’EMDR, la cohérence cardiaque ainsi que les Thérapies comportementales cognitives (TCC). Les boîtes à outils, riches, d’où elles tirent leur efficacité, sont autant de leviers propres à relancer l’habituation. Autant de tremplins vers le mieux-être.