Lors d’un choc émotionnel, qui peut être consécutif à un accident, un deuil, une rupture sentimentale ou bien encore à un licenciement, le cerveau humain entre dans une phase de bouleversement. Sa manière de fonctionner peut-être altérée et toutes sortes de conséquences néfastes peuvent se produire. Parmi celles-ci, mentionnons les insomnies, l’épisode dépressif, les douleurs chroniques, musculaires et articulaires ainsi que les parasitages acoustiques. Comme nous allons le voir il se trouve que ceux-ci, communément appelés acouphènes, s’avèrent étroitement liés à l’état émotionnel du patient.
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L’émotionnel, un rhéostat qui modifie la perception acouphénique
On appelle rhéostat ce composant qui, lorsqu’il est placé dans un circuit électrique, permet de réguler l’intensité du courant. C’est en quelque sorte une résistance qui permet de faire varier le courant. Eh bien, il se trouve que l’émotionnel se comporte exactement comme un rhéostat, faisant varier l’intensité de l’acouphène.
Quand l’émotion a une incidence sur l’audition
On sait aujourd’hui qu’un choc psychologique, un choc émotionnel, constitue une cause possible d’acouphène. Ce lien de causalité est par ailleurs régulièrement confirmé par des études cliniques (comme celles du professeur Josef P. Rauschecker et du professeur Fatima Husain que nous aurons l’occasion d’aborder plus en détails par la suite).
« Oui un choc émotionnel peut donner des acouphènes » : R. NICOLAS, 1ère Vice-Présidente de l’association France Acouphènes (source: Allodocteurs.fr)
Les chocs émotionnels affectent le travail de filtrage du cerveau
Soyons clair, sauf exception ce n’est pas le choc émotionnel qui créé le bruit parasite. Néanmoins, c’est à cause de l’état psychologique du patient que le parasitage sonore va pouvoir s’installer.
Le mécanisme est le suivant : notre cerveau est continuellement alimenté par nos différents sens, via ce que l’on nomme les cellules sensorielles. Pour ne pas que nous croulions sous des milliers de messages auditifs, notre cerveau effectue un travail de filtrage de l’information. Or, lors d’un choc émotionnel, ce filtrage est fortement perturbé. Résultat, les informations parasites qui restaient jusque là bloquées se retrouvent soudainement dans le champ de conscience. C’est l’acouphène.
Notons que le risque d’être sujet à des acouphènes croît jusqu’à l’âge de soixante ans. Puis se stabilise. S’il est possible qu’un enfant puisse avoir des acouphènes, c’est sa manière de gérer celui-ci que sera différente. En effet, l’enfant étant émotionnellement immature, son cerveau aura tendance à ne pas focaliser dessus. Le travail de filtration opère ici de manière plus efficace.
Quand l’émotion court-circuite notre cerveau
Comme nous l’avons vu, nos cellules sensorielles de l’oreille envoient constamment des informations à notre cortex auditif via le nerf auditif. Habituellement filtrées, ces informations profitent des perturbations émotionnelles pour parvenir à notre conscience. Ce sont donc les états émotionnels négatifs et intenses tels que le stress, l’anxiété, la colère et la détresse qui empêchent le cerveau de filtrer correctement les sons parasites.
D’ailleurs, la grande majorité des patients acouphéniques indique que les symptômes s’intensifient proportionnellement au niveau de stress. Lorsqu’elles sont sous pression, ces personnes témoignent de changements notables en terme de fréquence sonore, de localisation, d’intensité et de durée de leurs acouphènes. Cela tend à corroborer le fait que les états émotionnels négatifs ainsi que les tensions mentales sont capables d’amplifier considérablement l’acouphénie.
En cause : un dérèglement des réseaux limbique et auditif
On appelle système limbique le lieu où sont gérées les émotions. Il s’agit d’une aire cérébrale constituée de l’amygdale, de l’hypothalamus ainsi que du cortex frontal, préfrontal et cingulaire.
Or, il se trouve que ce même système limbique joue un rôle clé dans la physiologie du corps. En effet, il intervient dans le fonctionnement de la libido, du sommeil, de l’appétit, du rythme cardiaque, des sécrétions hormonales, de la tension sanguine ainsi que dans l’efficacité du système immunitaire.
Système limbique et acouphène
On aurait tord de considérer que les acouphènes sont uniquement le fruit d’un dysfonctionnement de l’oreille ou du cortex auditif. La recherche en imagerie cérébrale a en effet mis en lumière le rôle capital d’autres régions corticales telles que la région limbique. Très exposée aux chocs émotionnels, cette dernière va être directement impactée, favorisant considérablement l’émergence de symptômes acouphéniques. En d’autres termes, l’acouphène est la manifestation du déséquilibre régnant sur la plan émotionnel.
L’étude du professeur Josef P. Rauschecker sur le dérèglement des réseaux limbique et auditif
Cette corrélation étroite entre limbique et auditif a été l’objet d’une étude menée par une équipe de neuroscientifiques de la Georgetown University Medical Center sous la houlette du chercheur en neurosciences Josef P. Rauschecker lequel explique que « ‘un dérèglement des réseaux limbique et auditif pourrait être au cœur de l’acouphène chronique ». A également été constaté lors de cette étude clinique que les structures limbiques des personnes sujettes aux acouphènes présentaient des différences notables si on les comparaient à des sujets sains.
Acouphènes et émotions négatives : une boucle qui s’auto-alimente
Lorsqu’un choc émotionnel survient ou que l’état psycho-émotionnel du patient n’est pas équilibré, l’acouphène ainsi déclenché va être traité comme un signal alarmant. C’est la raison pour laquelle de nombreuses personnes tendent à considérer ces sifflements, bourdonnements et chuintement d’oreille comme un ennemi toxique. Cette posture mentale victimisante va a son tour créer de la colère, de l’anxiété, de la détresse et/ou de l’intolérance, alimentant ainsi le cercle vicieux.
Il faut bien prendre conscience que l’acouphène se nourrit en partie de l’attention que l’on lui porte. Plus le patient considérera son acouphène comme un intrus illégitime et mal-intentionné, plus ce dernier sera amplifié à cause de sa charge émotionnelle négative.
La charge émotionnelle de l’acouphène
Les neurosciences nous apprennent que l’émotion engramme le souvenir. Cela signifie que notre cerveau a tendance à renforcer la mémorisation des expériences selon que ces dernières furent émotionnellement chargées ou non, privilégiant ainsi les souvenir traumatisants.
Par exemple, un sifflement temporaire perçu au niveau de l’oreille à la suite d’un concert pourra :
▶ Contexte n°1 : s’estomper de lui même si la soirée était agréable▶ Contexte n°2 : s’installer dans la durée si la soirée a été vécue de manière désagréable▶ Contexte n°3 : s’installer dans la durée et resurgir ultérieurement lors d’occasions stressantes
C’est parce que le cerveau n’est pas cloisonné et que les régions auditives et émotionnelles communiquent entre elles que l’acouphène ne doit plus être considéré comme un phénomène exclusivement auditif.
Solution : inverser la charge émotionnelle de l’acouphène
La bonne nouvelle est qu’il est possible d’inverser la valeur émotionnelle de certains souvenirs. Ce procédé qui met en oeuvre ce que l’on nomme neuroplasticité est un des objectifs poursuivis par les thérapies complémentaires telles que la Sophrologie, l’Hypnose, la PNL, les TCC et l’EMDR.
Grâce à ces thérapies, le patient acouphénique apprend à modifier la tonalité émotionnelle d’un souvenir négatif en remplaçant les informations sensorielles liées à ce souvenir. Via des états psycho-corporels de relaxation et de détente ainsi qu’un travail de visualisation positive, le patient parvient alors à désolidariser le souvenir de l’émotion problématique. Ensuite, il suffit d’associer à nouveau ce même souvenir ainsi neutralisé à des ressentis positifs. Résultat, l’expérience traumatisante perd sa charge émotionnelle négative. Grâce à ce processus, l’acouphène est peu à peu « neutralisé ».
Acouphènes et traitement émotionnel des sons
Une autre équipe de chercheurs, dans une publication parue dans la revue Brain Research, ont ainsi avancé que les sujets acouphéniques montraient des processus cérébraux de gestion émotionnelle différents des individus ayant une audition normale.
Une activité plus intense de la parahippocampe et de l’insula
Lors de cette étude clinique qui a utilisé l’IRM fonctionnelle, les chercheurs ont pu constater des variations d’oxygénation du sang dans le cerveau. Or, lorsqu’une région cérébrale s’oxygène via le réseau sanguin, cela signifie qu’elle est sollicitée dans le cadre d’une tâche. L’IRM a ainsi démontré qu’en présence de stimulations sonores, le cerveau des personnes sujettes aux acouphènes s’activait sensiblement plus que celui des personnes saines. Comme si leur cerveau sur-réagissait aux stimuli externes, la stimulation de la partie limbique (émotionnelle) entraîne mécaniquement une réceptivité accrue de la partie auditive.
Le professeur Husain a également publié des travaux mettant en évidence l’interaction entre acouphènes et émotions. Ces travaux établissent une relation claire entre les états de stress, d’anxiété, de détresse, de colère, d’irritabilité, de dépression et la perception des symptômes acouphéniques. C’est donc bien le traitement émotionnel du cerveau qui fait varier, dans une proportion importante, l’intensité des acouphènes.
Le rôle clé du lobe frontal dans le traitement des acouphènes chroniques
Au vu de ces éléments, les scientifiques en ont déduit qu’une meilleure activation du lobe frontal induirait chez les patients une réduction du stress lié aux acouphènes. Par effet d’entrainement, cette régulation émotionnelle induirait à son tour une diminution de la gène acouphénique. D’où l’efficacité de certaines thérapies alternatives (Sophrologie, Hypnose etc.) lesquelles permettent d’activer le lobe frontal et de mieux gérer les problématiques émotionnelles.
Activer le processus d’habituation afin de mieux traiter les acouphènes
Plusieurs protocoles thérapeutiques ont pour objectif de déclencher le processus d’habituation, un phénomène de neuro-plasticité qui permet au patient de s’adapter à son acouphène et de mieux le tolérer. En règle générale, l’habituation survient spontanément en quelques mois mais chez certaines personnes, le système est en panne. C’est là que débute les vrais problèmes liés à la chronicité de l’acouphène.
Pour plus d’informations sur le sujet, nous vous invitons à découvrir notre top article Acouphène : comment fonctionne le processus d’habituation ?
Objectif : faire déclasser l’acouphène par le cerveau
Or, il se trouve qu’un terrain émotionnel dégradé va fortement entraver ce processus d’adaptation. En effet, comme nous l’avons vu, les émotions problématiques liées aux acouphènes vont avoir tendance à entretenir celui-ci voire, le renforcer. En travaillant à apaiser l’état émotionnel du patient, certaines thérapies vont parvenir à « déclasser » le signal acouphénique afin que celui-ci passe de la case « signal d’alerte » à la case « peu important, à négliger ».
Ce processus sollicite le système neurovégétatif du patient. En modifiant la charge émotionnelle que ce dernier délivre en réponse à l’acouphène, ont parvient à modifier la perception même du bruit parasite, qu’il s’agisse d’un sifflement d’oreille ou bien d’un autre son tel qu’un bourdonnement ou un grésillement.
A noter que l’application Diapason, lancée en janvier 2019 et que nous testerons prochainement, utilise un panel d’activités ludiques qui permettent justement de travailler sur l’aversivité de l’acouphène.