Les acouphènes touchent près de 10% de la population en France. Il n’existe aucun traitement pour en guérir, mais des solutions existent pour soulager les personnes atteintes par ce trouble de l’audition. Contrairement à ce qu’on peut penser, porter un appareil auditif équipé d’un masqueur d’acouphènes peut faciliter le processus d’inhibition, nous vous expliquons comment avec Thibaud Goudier, audioprothésiste VivaSon spécialiste de l’acouphène et titulaire du Diplôme « Nuisances sonores » de l’université de Nancy.
L’amplification des appareils auditifs dans le cas d’une perte d’audition
85% des acouphènes sont accompagnés d’une perte d’audition, quelle qu’en soient les causes. Appareiller une personne acouphénique et malentendante, sans même évoquer la thérapie d’inhibition proposée sur certains modèles d’appareils, permet d’en diminuer l’intensité grâce à l’amplification.
Lorsqu’une personne est atteinte d’une perte auditive, son audiogramme indique une baisse d’audition sur certaines fréquences, mesurée en décibels (dB), généralement sur les fréquences aigus. Le fait d’être privé de ces sons environnant augmente l’intensité perçue des acouphènes, qui eux, ne dépendent pas de vos capacités d’audition.
Lorsque l’on adapte des appareils auditifs, leur amplification permet de palier à la perte sensorielle, le patient entend à nouveau. L’acouphène est baigné dans l’environnement sonore, l’aidant à ne pas focaliser son attention sur ses sifflements. Ce résultat immédiat permet d’accélérer le processus d’habituation. L’acouphène ne peut pas émerger autant qu’avant, le patient ne se focalise pas son attention sur celui-ci, ce qui diminue de facto le stress et la fatigue auditive engendrés par ces situations de gêne.
Les solutions de masquage avec des appareils auditifs générateurs de bruit blanc
Certaines stratégies de masquage des acouphènes, comme la TRT (Tinnitus Retraining Therapy) permettent d’aider le patient à négliger ses acouphènes en « reprogrammant » son cerveau. Mise au point par le neurophysicien Jastreboff en 1990, cette thérapie suggère qu’en mélangeant l’acouphène avec un bruit neutre pendant plusieurs mois, la connotation aversive du signal finit par s’estomper, permettant au cerveau d’inhiber le signal. Le son généré pour le masquage est filtré sur la ou les fréquences des acouphènes. L’acouphène lui, n’est pas totalement masqué, le patient doit l’entendre (point de mélange) pour que la thérapie soit efficace.
Les résultats sont observables après trois à six mois, selon la personne. Elle nécessite beaucoup de motivation et d’assiduité. Le patient doit porter ses aides auditives tous les jours, au moins deux heures.
Pour aller plus loin dans la présentation de cette solution, nous avons posé quelques questions à l’audioprothésiste VivaSon Thibaud Goudier :
Comment se déroule l’appareillage d’un patient, malentendant ou normo- entendant avec ce type de thérapie ?
Tout d’abord il faut rappeler que la prise en charge du patient acouphénique ne doit pas s’inscrire dans une démarche isolée mais dans une approche globale et pluridisciplinaire.
On commence par faire une anamnèse détaillée avec le patient afin d’analyser au mieux les caractéristiques de l’acouphène comme par exemple son ancienneté, son origine, son intensité mais aussi le contexte médical et psychologique.
Ensuite on réalise un bilan auditif complet en procédant à une audiométrie tonale et vocale, au test d’inconfort. On effectue même une audiométrie haute fréquence, c’est à dire supérieur à 8000 Hertz, car souvent l’acouphène se situe dans cette zone fréquentielle. Puis, on procède à l’acouphénométrie, c’est-à-dire que l’on recherche objectivement et précisément la fréquence et l’émergence de l’acouphène.
Une fois les tests effectués, on met en place l’appareillage avec les premiers réglages et on va suivre le patient sur le long terme. Le premier mois on revoit la personne presque toutes les semaines pour ajuster au mieux le réglage puis on étale les rendez-vous par la suite pour suivre l’évolution, la disparation de l’acouphène.
Ce type de thérapie demande aux patients une grande assiduité, en effet il faut stimuler au moins deux heures par jour tous les jours et ce pendant au moins 6 mois pour pouvoir apprécier les effets. Il est important pour les patients de venir nous consulter au moins une fois par an afin que l’on puisse s’assurer du bon fonctionnement des appareils et d’un éventuel changement de l’audition et des acouphènes.
Pouvez-vous expliquer plus en détail à nos lecteurs le fonctionnement d’une thérapie de masquage ?
Le fait de corriger une perte auditive avec une amplification et même une sur amplification centrée sur la fréquence de l’acouphène va permettre un masquage « naturel » de l’acouphène grâce à l’enrichissement de l’environnement sonore.
Quand l’amplification seule n’est pas suffisante pour masquer l’acouphène, on met en place des thérapies de masquage acoustique.
La thérapie par masquage (TRT) consiste à mêler quotidiennement l’acouphène avec un bruit blanc filtré en fonction de la fréquence de l’acouphène. Ce bruit doit également avoir des caractéristiques temporelles stables afin de permettre une bonne accoutumance. Le but de cette thérapie acoustique est donc de diminuer les réactions des systèmes nerveux pour l’acouphène, et de permettre l’augmentation de la dynamique sonore. L’objectif ultime est donc de s’habituer à la réponse, afin que l’acouphène ne soit plus perçu.
Selon vous quelle approche apporte le plus de résultats pour les patients ?
La meilleure approche est une approche pluridisciplinaire. C’est un travail d’équipe entre le patient et les différents acteurs comme l’ORL, l’audioprothésiste, le sophrologue.
Il faut également une motivation et une assiduité quotidienne pour avoir les meilleurs résultats possibles et pouvoir faire disparaître les acouphènes.
Une approche pluridisciplinaire dans le centre auditif VivaSon Vaugirard à Paris
Dans le centre auditif VivaSon Vaugirard à Paris, Thibaud Goudier, audioprothésiste spécialiste des acouphènes accueil les patients acouphéniques, malentendants ou non, pour adapter des appareils auditifs masqueurs.
Avant de poser les aides auditives et régler le masquage, Thibaud Goudier fais passer une série de tests au patient pour mesurer son audition et définir le profil des acouphènes (audiométrie hautes fréquences, acouphénométrie, test d’inhibition…)
Le centre propose également des séances de sophrologie dispensées par Audrey Phitoussi, sophrologue partenaire, certifiée RNCP et membre de la chambre syndicale. L’association de la thérapie de masquage des acouphènes avec la sophrologie améliore les résultats. Les patients peuvent à la fois se défocaliser et appréhender différemment leurs symptômes.
Les séances de sophrologie ont pour objectif de transformer la gêne en pensées positives. Reconnue aujourd’hui comme une solution bénéfique parmi les différentes méthodes existantes pour soulager les acouphènes, la sophrologie permet de retrouver une meilleure qualité de vie. Dans le cas des acouphènes, elle permet de diminuer le stress occasionné ainsi que la connotation aversive du sifflement. En d‘autres termes, la sophrologie permet de modifier la perception négative de l’acouphène, vécu comme mauvais.
Avec différentes méthodes, Audrey Phitoussi apprend aux patients à rééquilibrer leurs émotions pour stabiliser l’activité de leur système limbique et celle du cortex auditif, qui joue un rôle prédominant dans l’émergence des acouphènes et leur perception.
Pour mieux comprendre le rôle d’Audrey dans cette approche pluridisciplinaire, nous lui avons posé plusieurs questions :
Depuis plusieurs années, la prise en charge des patients souffrant d’acouphènes chroniques associe le port de prothèses auditives à la sophrologie mais aussi aux thérapies sonores (TRT) ou encore aux thérapies cognitives et comportementales.
Cette prise en charge globale à travers une équipe pluridisciplinaire permet de prévenir les conséquences auditives et psychologiques provoquées par les acouphènes.
Il est donc important que le patient communique au sophrologue tout bilan auditif effectué antérieurement afin que celui-ci adapte au mieux sa prise en charge ou propose, le cas échéant, le soutien d’un confrère psychologue ou psychiatre.
En quoi consistent les séances que vous proposez aux patients ?
Les séances que je propose à mes patients leurs permettent à la fois de mieux gérer les crises d’acouphènes et d’obtenir une nette amélioration de leur quotidien sur le plan physique, mental et émotionnel.
En intervenant sur l’état anxieux du patient, celui-ci arrive peu à peu à faire baisser l’intensité de l’acouphène et à se détourner de la perception des bruits parasites.
Petit à petit, le patient ressent un mieux-être et pose un regard plus positif sur soi et sur la vie.
Quelle méthodologie appliquez-vous?
Lors de ma première séance, j’établie une anamnèse ainsi qu’un protocole clinique d’accompagnement que j’ajuste au fil des séances en fonction du vécu de la personne.
Cette première séance nous permet de définir ensemble l’objectif de l’accompagnement et d’établir le contrat thérapeutique.
Par la suite, chaque séance se décompose en trois temps :
⬤ un temps d’échange qui permet de connaître les événements vécus depuis la dernière séance
⬤ un temps de pratique, d’animation, d’exercices comportant des techniques de relaxation basées sur la respiration, la contraction musculaire et la visualisation positive
⬤ un temps de dialogue qui permet au patient de décrire les phénomènes vécus pendant les exercices.
A la fin de chaque séance, nous organisons ensemble l’entraînement personnel jusqu’au prochain rendez-vous.
Quels sont les résultats obtenus avec vos patients?
Les résultats obtenus dépendent de la pratique quotidienne du patient et sont par conséquent variables d’un patient à l’autre.
En effet, c’est bien la répétition des exercices qui permet au cerveau et au corps de ressentir de nouvelles sensations positives pour un mieux-être au quotidien. L’interprétation du symptôme deviendra tout simplement neutre et la qualité de vie en sera améliorée.
De par mon expérience personnelle, 70% des patients ressentent une nette amélioration de leur quotidien avec une gêne diminuée parfois jusqu’au trois quart.